18 janvier 2007

Des histoires...


Les yeux fanés mais le front attendri, Manille patiente sagement. Elle est vêtue fort élégamment, aujourd'hui, parce que c'est un grand jour : aujourd'hui, Manille va finir sa vie.

Elle était déjà morte une fois, Manille, c'était à cause d'un homme, un marchand, un bel homme cet Armand, mais on l'avait tué, paf, d'un tir sec, comme ça, dans le dos. Son homme, à Manille, il gagnait beaucoup d'argent, et parfois, de temps en temps, ça peut gêner des gens.
C'est ce qu'elle se répétait, Manille, que parfois, ça arrive de gêner des gens. Elle se le répétait souvent, et même plus que ça en fait, en fait tout le temps, parce que sinon, faut y penser, c'est le monde entier qu'elle aurait pleuré. Et pis, son visage, son beau visage d'hiver... elle nous l'aurait fermé ?
Faut s'imaginer aussi. L'homme qui vous aide à grimper, celui qui vous soigne et qui aime se faire aimer, on vous l'enlève comme ça, en une seconde, ben ça vous casse le coeur et pis c'est tout, y a pas d'après hein, y a ça et pis après on meurt. On meurt du coeur et c'est comme ça. C'est pas comme un moteur le coeur, ça s'répare pas.

Les yeux fanés avec le front qui sourit, Manille patiente, calmement. Elle est vêtue fort élégamment aujourd'hui et c'est très bien : aujourd'hui Manille, elle va enfin vivre sa fin.
Et si elle devait nous dire aurevoir, elle ne le fera pas, mais si elle devait, eh bien elle ne se retournerait pas. Elle est comme ça, Manille... elle aime le cinéma.


07 janvier 2007

Lost City : Episode III


Résumé : il fait froid ce soir… Derrière les murs de Lost City, certaines femmes s’enveloppent fébrilement dans de vieilles couvertures militaires. J’en suis. Accompagnée d’un livre qui tente vainement de m'emmener plus loin que le bout de mon nez, je laisse ma pensée divaguer, se perdre dans les eaux troubles de cette journée. Rien n'a vraiment changé ici mais quelque chose dans l'atmosphère est différent : l'air est moins vif, la solitude moins pertinente, les heures plus lasses. Les cow-boy locaux, avec leurs oeillades baveuses et leurs stratégies de séduction aussi subtiles que celles déployées pour l'élection de Miss France, ne me font même plus sourire. Je dois me rendre à l'évidence : ce quelque chose qui s'est modifié, il ne vient pas d'ici. Ce quelque chose... c'est moi. Aurais-je oublié qu'au-delà des conditions matérielles un peu rudes, c'est bien son endurance mentale qu'il faut savoir forger à

LOST CITY

(juste derrière le pays de Candy, à gauche après la déchetterie)


Avant Noël

Enthousiaste, déchirée, aimante, révolutionnaire, écoeurée, confiante... j'aime vivre ici. Chaque semaine improvise de nouvelles surprises. En voici une : après 1 mois d'inquiétude solidaire pour ce pauvre four à micro-ondes qui avait obtenu les faveurs d'un voleur lâche mais néanmoins minutieux, nous avons découvert avec stupeur que le coupable était... l'administration de Lost City ! Oui, car ici, le four est dangereux : en l'utilisant dans ta chambre, tu risques de contrarier le disjoncteur du bâtiment. Du coup, l'administrécheune organise des inspections régulières dans les chambres et ramasse ce qui est interdit par le règlement intérieur, bien entendu sans prévenir les méchants délinquants avant, ni après d'ailleurs, enfin si mais 3 semaines plus tard et par écrit. Ca rigole pas, hein...
Mais c'est bien au rythme de ces épisodes drôlesques que les semaines se suivent et ne se ressemblent pas ; l'absurdité nous déstabilise donc nous nourrit et je m'en réjouis. D'ailleurs, et je l'avoue, même s'ils ont osé ne pas m'accorder la seule chose que je désirais -chié quand même, c'était pas compliqué un hachis, purée (1), c'est pas comme si j'avais demandé une dinde fourrée à la truffe et aux airelles, bordel (2)- je ne peux que remercier le hasard des choix de m'avoir mener là. Ces deux mois ont vraiment été intéressants. Et tandis que je baignais dans la satisfaction mielleuse de ma propre existence, d'un seul coup arriva...

Noël

Ahhhh, les fêtes de fin d'années : nourriture abondante, famille, cadeaux, rires... mais cette année, la mayonnaise bien grasse ne prend pas avec moi. Diantre, serais-je en train de grandir ? Infamie, où donc est-elle passée, l'insouciance de mon enfance ? Dans mon enfance ? Oui c'est pas faux. Bref, tintements de verres, ferreros rochers, bonne année, Jean-Pierre Foucault à la télé, la période de Noël c'est... comme d'hab. Bien heureusement et par une logique immuable, les vacances s'effaçèrent doucement, faisant place à...

La nouvelle année

Et là... c'est le drame. De retour à Lost City, plus rien ne va plus. Malgré ses rondeurs confortables, la routine qui s'est déposée sur mon quotidien m'inquiète. Patauger dans les douches parce qu'elles sont bouchées ou contempler le plafond des toilettes qui fait son intéressant par terre, ça ne m'égaie plus. Et bien pire encore : mes compagnons, ces âmes aussi malades que la mienne qui, dans un même élan me tourmentaient et m'animaient, m'encombrent franchement désormais. Déstabilisée pour la première fois depuis mon arrivée ici, une phrase commune me passe alors par l'esprit : c'est la vie...


Et bien oui, les amis, les choses changent et c'est ainsi. Si Natou ne semble plus faire corps avec ce lieu devenu un peu fade à ses yeux, que l'on ne s'y détrompe pas : il y eut, il y a et il y aura toujours des choses à dire sur

LOST CITY

(juste derrière le pays de Candy, à gauche après la déchetterie)


(1) : "purée", en particulier en Provence, est parfois employé pour suggérer une forte contrariété, passagère toutefois.

(2) : ça rime. Je suis fière.